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Brexit : Boris Johnson affronte Theresa May en l’accusant de capituler face à l’UE

En l’accusant d’avoir sanglé le pays dans une « veste suicide », l’ex-ministre des affaires étrangères joue la surenchère verbale, au risque de fracturer le Parti conservateur.

Comparée aux cahots incessants qui ont souvent failli l’envoyer dans le décor depuis le vote du Brexit en 2016, ce devait être une rentrée plutôt sereine pour Theresa May. En juillet, elle avait enfin rendu publique les propositions britanniques pour l’après-Brexit, avait survécu de justesse à plusieurs assauts parlementaires et s’était débarrassée de son meilleur ennemi, Boris Johnson, nommé deux ans plus tôt chef du « Foreign office », afin de le maintenir le plus souvent hors de Londres.

On se doutait que la démission de M. Johnson, justifiée par les concessions de Mme May à l’Union européenne, ne valait pas départ en retraite. « BoJo » laisse rarement les médias britanniques beaucoup plus d’un mois sans une saillie digne de leur « une ». En août, il a fait scandale en comparant les femmes portant le niqab à « des boîtes à lettres », tout en s’opposant à l’interdiction de cette tenue, en bon libertarien. Dimanche 9 septembre, alors que la nouvelle de son divorce et les détails sur ses infidélités s’étalaient dans les tabloïds, au risque de ternir son image de dandy spirituel, l’ancien journaliste a gratifié le Daily Mail d’une tribune ravageuse.

L’ancien ministre des affaires étrangères défie Theresa May en l’accusant d’avoir sanglé le pays dans une « veste suicide » dont elle aurait « confié le détonateur » à Michel Barnier, le chef des négociateurs de l’UE pour le Brexit. Il accuse la première ministre d’avoir capitulé en se comportant en « béni-oui-oui » face aux Vingt-Sept, et dénonce le « plan Chequers », adopté en juillet, qui accepte le maintien dans le marché unique européen pour les marchandises après le retrait britannique des instances de l’UE.

« Nous sommes prêts à accepter leurs règles – pour toujours – sans avoir un mot à dire sur ces règles », fulmine-t-il. Nul doute, à trois semaines du congrès annuel du parti conservateur et à 200 jours de l’officialisation, le 29 mars 2019, du Brexit – dont l’horloge électronique de l’europhobe Telegraph égrène le compte à rebours avec impatience –, Boris Johnson spécule sur la déception des partisans du Brexit et le réflexe nationaliste face à « l’humiliation » subie à Bruxelles, pour bouter Mme May hors de Downing Street et la remplacer à la tête du pays.

« Las du Boris show »
L’affrontement personnel masque de moins en moins le schisme idéologique qui menace le Parti conservateur. Frontal, le face-à-face oppose l’aile modérée des tories, menée par Mme May, qui craint une catastrophe pour l’emploi en cas de rupture nette avec l’UE, laquelle absorbe 40 % des exportations britanniques, et les ultralibéraux, comme M. Johnson, qui rêvent d’une nouvelle révolution thatchérienne. Ils considèrent le Brexit comme une divine occasion pour transformer le Royaume-Uni en une sorte de Singapour sur la Manche, un pays pratiquant le dumping social, fiscal et environnemental aux portes de l’UE.

Dans sa chronique hebdomadaire du Telegraph du lundi 10 septembre, Boris Johnson appelle à suivre Donald Trump et ses baisses massives d’impôts sur le revenu et les gains du capital « pour booster la croissance ». « Le moment est venu pour ce gouvernement conservateur, écrit-il, de montrer comment un Royaume-Uni post-Brexit se traduira par une économie heureuse et dynamique qui favorise l’initiative (…) et où chacun peut espérer ramener à la maison pour sa famille une plus grande partie de sa paie. »

Pour faire passer son message « trumpiste », l’ancien chef du Foreign office appuie où cela fait le plus mal : l’Irlande, ultime obstacle dans les négociations de Bruxelles. Pour éviter le retour de la frontière entre la République et sa province d’Irlande du Nord, Londres a accepté qu’en ultime recours, l’Irlande du Nord demeure dans le marché unique européen. Une issue qui conduirait à des contrôles douaniers entre Grande-Bretagne et Irlande du Nord, menaçant l’unité du pays selon M. Johnson. Il estime que Bruxelles a exagéré l’importance de la frontière irlandaise « pour nous maintenir dans son orbite » et qu’en acceptant sa rhétorique, Mme May « nous a mis volontairement la tête sur le billot ».

SA MÉTAPHORE DE LA « VESTE SUICIDE » A CHOQUÉ UN PAYS PLUSIEURS FOIS VISÉ PAR LE TERRORISME
L’ennui pour le challenger de Mme May est que la route de Downing Street n’a rien pour lui de la promenade de santé. Certes, les trois-quarts des Britanniques estiment que Mme May négocie mal et parmi les adhérents conservateurs, M. Johnson est le challenger préféré. Mais ce n’est nullement le cas des députés tories dont nombre se disent « las du Boris show ». Douze ont même annoncé qu’ils quitteraient le parti si BoJo entrait à Downing Street.

Sa métaphore de la « veste suicide » a choqué un pays plusieurs fois visé par le terrorisme. C’est « l’un des moments les plus répugnants de la politique moderne britannique, a tweeté le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères Alan Duncan. C’est la mort politique de Boris Johnson. »

« Selfish bastard »
Une partie des responsables politiques se demande si les foucades de « Boris » ne visent pas à faire diversion après l’annonce de son divorce d’avec Marina Wheeler, une avocate âgée comme lui de 54 ans, qu’il a épousée voici vingt-cinq ans. Les journaux rivalisent de détails sur sa liaison avec Carrie Symonds, 30 ans, ancienne directrice de la communication du Parti conservateur. Et en profitent pour rappeler qu’il a été suspendu comme député en 2004 pour avoir menti publiquement sur une autre aventure extraconjugale. Et qu’il a probablement deux enfants conçus avec des maîtresses pendant qu’il était marié. Et que sa fille Lara, 25 ans, le traite de « salaud égoïste » (« selfish bastard »). Pareil tableau, s’il n’est plus rédhibitoire dans le Royaume-Uni de 2018, n’est pas du meilleur effet électoral au Parti conservateur.

Au point que, selon le Sunday Times, Downing Street a concocté en 2016 un « dossier noir » détaillant les infidélités de M. Johnson, déjà challenger de Mme May. Alors que le gouvernement niait farouchement l’existence de ce document, un collaborateur a vendu la mèche dans un délicieux lapsus : « Il est complètement faux d’affirmer que nous avons remis à jour ce document. »

Surtout, M. Johnson doit faire vite. Des ultra-Brexiters plus jeunes que lui montent au créneau, tel l’ancien ministre Steve Baker, qui prophétise une « fracture catastrophique » des tories si Mme May persiste à défendre son « plan Chequers ». En outre, selon le Financial Times, l’UE met sur pied un plan « sauver Theresa » destiné à parvenir à un accord sur le Brexit en novembre.

Un sommet européen informel à Salzbourg, le 20 septembre, devrait en débattre, avant le sommet des 18 et 19 octobre, présenté comme crucial, et une possible ultime réunion en novembre. Ce deal sur le Brexit doit être approuvé par le Parlement européen et par celui de Westminster. Ce dernier vote sera le moment de vérité pour Theresa May. Pour Boris Johnson aussi. Mais rien ne dit qu’en cas de rébellion des députés, le bad boy des tories tirera alors les marrons du feu.

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