Face aux difficultés, Emmanuel Macron fait son mea-culpa
Devenu arrogant aux yeux des Français et impopulaire, le président de la République a décidé de changer.
Mais qu’arrive-t-il à Emmanuel Macron ? Le président de la République, qui semblait si sûr de lui jusqu’ici, avait habitué les Français à un autre registre, plus vertical, jupitérien. « Aidez-moi », a-t-il lancé, en direct des Antilles, jeudi 27 septembre, « j’ai besoin de vous, journalistes, population, élus » pour expliquer l’action de l’exécutif.
Un appel au secours dont le chef de l’Etat, à qui tout semblait réussir il y a encore peu de temps, n’est pas coutumier. Pas plus qu’il ne l’est des excuses, qu’il a pourtant esquissées le même jour, dans un entretien diffusé dans l’émission « Quotidien » sur TMC, en reconnaissant que l’expression « Gaulois réfractaires au changement » était une « erreur ».
« Il y a des crispations sur le style présidentiel, reconnaît-on à l’Elysée, le seul à pouvoir les dissiper, c’est lui. » Transgressif, provocateur, le « parler vrai » d’Emmanuel Macron, qui avait tant séduit durant la campagne présidentielle et au début du quinquennat, semble s’être transformé ces derniers mois, aux yeux des Français, en une arrogance handicapante.
C’est en tout cas ce que disent les sondages. Les uns après les autres, ils voient la popularité du chef de l’Etat s’effriter pour se situer désormais aux alentours de 30 %. « Emmanuel Macron a abîmé les fondamentaux du macronisme, son image est très dégradée », juge Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Et, aujourd’hui, plus encore que de la pédagogie sur sa politique, ce que veulent les Français, à en croire les études d’opinion, c’est un président à l’écoute, moins distant, et plus ouvert au dialogue.
Mise en garde
« En général, quand on tombe à moins de 30 % d’avis favorables dans les sondages, on ne remonte pas. Sauf période de cohabitation ou événement exceptionnel. Hollande était remonté très provisoirement après les attentats, Sarkozy un peu plus longuement après la crise financière de 2008 », précise Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP.
Un risque que l’Elysée a clairement identifié. « Une fois que les présidents se voient accoler une étiquette, ils ont du mal à s’en défaire. Hollande a été catalogué indécis, Sarkozy était l’agité et Chirac le roi fainéant. Emmanuel Macron a pris la mesure de ce risque, même s’il est moins grave d’être jugé distant et arrogant qu’indécis ou fainéant », explique l’un de ses conseillers. « Le président est conscient qu’il ne peut pas apparaître aussi longtemps sous ce jour défavorable, d’autant que sa personnalité n’est pas conforme à l’image que s’en font les Français », poursuit-il.
Une analyse qui résonne avec la mise en garde de ce fidèle de la première heure, Gérard Collomb, contre « l’hubris ». « C’est la malédiction des dieux. Quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, vous pensez que vous allez tout emporter. (…) Il y a une phrase qui dit que les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre, donc, il ne faut pas que nous soyons dans la cécité », avait lancé le ministre de l’intérieur, le 6 septembre, sur BFMTV.
Pour le moment, les institutions de la Ve République protègent Emmanuel Macron. Sa majorité à l’Assemblée nationale lui permet de continuer à dérouler son programme. Et l’opposition, fragmentée et fragilisée, n’apparaît toujours pas comme une alternative crédible aux yeux des Français. Mais dans ce contexte, le président semble être devenu son principal ennemi.
Etre plus collectif
Après une première année au cours de laquelle l’exécutif avait mis l’accent sur la libéralisation de l’économie, le chef de l’Etat espérait, en ce mois de septembre, reprendre l’initiative en insistant sur le volet social du quinquennat. Las ! L’annonce du plan pauvreté, jeudi 13 septembre, a été gâchée, deux jours plus tard, par la séquence de l’horticulteur au chômage auquel le président a conseillé de « traverser la rue » pour trouver du travail dans la restauration.
Mardi 18 septembre, Emmanuel Macron est reparti à l’offensive en présentant le plan santé. Cette fois, le coup de pied de l’âne est venu de Gérard Collomb : ce même jour, dans un entretien à L’Express, le ministre de l’intérieur annonçait sa candidature à la mairie de Lyon en 2020. Et son départ de la place Beauvau « après la bataille des européennes ».
Ces derniers mois, de nombreux proches du pouvoir regrettaient la solitude et l’isolement d’un président qui décidait de tout, persuadé d’avoir raison. L’un de ses visiteurs du soir lui a notamment conseillé d’être plus collectif, de s’ouvrir et de tendre la main aux corps intermédiaires, tenus à distance depuis le début du quinquennat.
Emmanuel Macron semble avoir compris que s’il veut continuer à réformer le pays, sans hérisser les Français et s’exposer au risque mortel de l’impuissance politique, il lui fallait donc d’abord se réformer lui-même. « Il n’est plus en campagne, il est président, il doit en tirer les conséquences », résume un proche du chef de l’Etat.
« L’important c’est que le moteur tienne »
Depuis la rentrée, quelques évolutions ont déjà commencé à apparaître dans le fonctionnement du palais. Depuis que la « plume », Sylvain Fort, a repris en main la communication, celle-ci a été « démilitarisée », selon l’expression de ce dernier.
L’Elysée met davantage l’accent sur la pédagogie et semble vouloir renouer avec la presse. Comme si ce président, qui n’avait jamais connu l’échec, avait pris conscience que s’il ne changeait pas, son projet de « réparer » le pays deviendrait inaudible. « Quand on fait un Paris-Dakar, il y a des éraflures à la carrosserie, mais l’important c’est que le moteur tienne », relativise un conseiller.
Soucieux de renouer avec l’opinion, le président « s’adressera » aux Français « dans les prochains jours ou dans quelques semaines », a confirmé, sur Europe 1, vendredi 28 septembre, le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Christophe Castaner. On verra bien alors si le président a changé.
Européennes : M. Macron promet une liste « la plus large possible » « Pour les élections européennes, je ferai tout pour que les progressistes, les démocrates et ceux dont je porte la voix – je l’espère incarnée par une liste la plus large possible en France – se fassent entendre. » Dans un entretien au Journal du dimanche du 30 septembre réalisé lors de son voyage en cours aux Antilles, Emmanuel Macron a exprimé son intention de s’impliquer directement dans la campagne de mi-2019. « Je m’implique en permanence autour de la table du Conseil européen », ajoute-t-il. « Et je m’impliquerai car je crois à une campagne pour une Europe de l’ambition et de l’avenir, des démocrates et des progressistes. » Le chef de l’Etat, qui s’érige régulièrement en contre-modèle de la vision hostile à l’Union européenne (UE) que portent notamment le Hongrois Viktor Orban, l’Italien Matteo Salvini et, en France, son ex-rivale à la présidentielle française Marine Le Pen, dessine dans l’interview les contours d’une plateforme centriste. « C’est un combat de civilisation, un combat historique, et je ne céderai rien aux extrêmes », explique-t-il. « Je crois au retour des peuples. Je ne suis pas un européiste, ni un mondialiste. Je crois à l’identité forte de chaque peuple, je crois à l’histoire et à l’ambition de notre peuple. Je veux le convaincre que l’Europe, c’est ce qui l’accompagne, le protège. Je suis pour tourner la page d’une Europe ultralibérale, mais aussi pour éviter la page d’une Europe des nationalismes. L’Europe, c’est notre bonne protection. Encore faut-il la repenser et la rebâtir. »
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